تقارير لجن تقصي الحقائق: العيون، الحسيمة، صفرو، القصر الكبير، سلا، سيدي إفني ، الرباط، نشر المنظمة المغربية لحقوق الإنسان، 2009
La protestation sociale est une notion générique qui regroupe à la fois l’émeute, le mouvement social et les nouveaux mouvements sociaux. Grosso modo, le premier se caractérise par sa violence collective, sa spontanéité et sa fugacité(1) le second a pour objectif de défendre des intérêts matériels et le troisième t défend ou met en cause les valeurs dominantes.
La littérature sociologique(2) récente, notamment anglo-saxonne, permet de distinguer plusieurs dimensions (niveau macro et niveau micro) susceptibles de mieux saisir la construction des protestations sociales. Le niveau macro fait référence aux opportunités politiques locales, nationales, voire internationales favorables à l’organisation de la protestation sociale, à savoir la liberté d’expression, l’accès aux mass media, le degré du mécontentement social, etc.) Le niveau micro met en exergue la capacité des acteurs à réussir la mobilisation sociale, la nature des biens collectifs à revendiquer, les objectifs de la protestation, les coûts de la participation (confrontation physique avec la police, arrestation, condamnation) et les bénéfices que le protestataire peut tirer de sa participation.
Mais pour que les opprimés s’engagent dans une action collective, ils doivent se libérer d’abord d’une culture fataliste, puis percevoir leurs conditions sociales comme étant injustes ou immorales. Cette perception d’injustice pourrait être diffusée au sein de la population cible par des acteurs qui la mobilisent sur une thématique à caractère communautaire, ethno-national, sexuel, linguistique… ou tout simplement sur des revendications matérielles.
Emeutes, mouvements sociaux ou nouveaux mouvements sociaux ?
Pour analyser les révoltes de 1978 en Tunisie, celles de 1988 en Algérie et celles de 1965, de 1981 et de 1984 au Maroc, certains auteurs parlent d’émeutes(3), d’autres de mouvements populaires(4), ou encore de mouvements sociaux, voire de mouvements urbains(5).
En général, la littérature sociologique définit le concept de mouvement social comme étant “une organisation nettement structurée et identifiable ayant pour but explicite de grouper des membres en vue de la défense ou de la promotion de certains objets précis, généralement à connotation sociale”(6).
La notion de l’émeute est définie comme la négation du concept du mouvement social. Elle désigne un ensemble d’actions collectives violentes, éphémères, inorganisées, donc sans leadership, ni revendications sociales précises. C’est tout le contraire d’un mouvement social. Si le mouvement social (le syndicat par exemple) a pour objectif la défense d’intérêts matériels catégoriels, le concept de nouveaux mouvements sociaux, élaboré à la fin des années 60 par Alain Touraine, désigne plutôt des acteurs qui luttent pour l’instauration de nouvelles valeurs liées à la justice, à l’égalité entre les sexes, au droit à la différence, au pacifisme, à l’écologie…
Cependant, il ne faut pas confondre le concept du mouvement social avec celui du mouvement social urbain. Les mouvements sociaux qui se déroulent sur la scène urbaine (dans la ville) ne peuvent pas être qualifiés de mouvements sociaux urbains. Ces derniers ont pour objet la ville elle même. Il faut donc faire la distinction entre “social phenomena which are in the city and those which are of the city”(7).
Mais les différentes définitions de ce concept dans la littérature sociologique découlent de l’élaboration d’un cadre théorique général. Depuis les années soixante du siècle dernier, les chercheurs, notamment marxistes, étaient sensibles au déclin du taux de syndicalisation dans les sociétés occidentales. Sur ce constat, plusieurs paradigmes sont nés à la recherche d’un nouveau mouvement social susceptible de se substituer au mouvement ouvrier qui «s’embourgeoise». Nous allons y revenir.
Alain Touraine précise que «la notion de mouvement social n’est utile que si elle permet de mettre en évidence l’existence d’un type particulier d’action collective, celui par lequel une catégorie sociale, toujours particulière, met en cause une forme de domination sociale, à la fois particulière et générale, et en appelle contre elle à des valeurs, à des orientations générales de la société qu’elle partage avec son adversaire pour le priver ainsi de légitimité »(8). Alain Touraine propose de parler de mouvements sociétaux, pour indiquer clairement qu’ils mettent en cause des orientations générale de la société »(9).
La sociabilité interdite
La période d’après l’indépendance du pays jusqu’au début des années 90, était marquée par des conflits politiques entre la monarchie et les organisations politiques issues du mouvement national. Le Pouvoir, à travers ses actions exprimait son aversion à l’égard de la foule, de l’attroupement et de tous les espaces susceptibles de créer un processus de communication sociale quotidienne. Comme s’il faudrait donc rompre la communication sociale pour éviter les éventuels dangers, d’arrêter le mal avant sa construction. Vider les espaces publics deviendrait un objectif sécuritaire : interdiction d’attroupement de plus de cinq personnes, rafles générales à partir de huit heures du soir, mosquée fermées juste après les prières, etc.(10)
Même les pratiques festives de la rue sont pourchassées par les autorités locales. En interdisant les espaces de spectacles quotidiens (halka), la rue a tendance à devenir un espace réservé uniquement à la circulation. La halka, comme forme de divertissement collectif, est progressivement interdite jusqu’à sa disparition totale de l’environnement urbain casablancais. En milieu urbain, il n’existe pas de temps fort de la vie collective qui permet de mettre en relief le lien territorial. Les rassemblements festifs, par exemple, jouent un rôle dans la construction et le renforcement des identités locales. Ils permettent à des habitants anonymes de se rencontrer dans des espaces publics. De par son attitude, l’Etat neutralise les espaces publics. Il favorise ainsi les retranchements des familles dans leurs habitations et par conséquent, l’assimilation de la rue à l’immoralité.
Alexis de Tocqueville écrivait déjà en 1856 que « le despotisme, loin de lutter contre cette tendance (de se retirer dans un individualisme étroit où toute vertu publique est étouffée), la rend irrésistible, car il retire aux citoyens toute passion commune, tout besoin mutuel, toute nécessité d’entendre, toute occasion d’agir ensemble ; il les mure pour ainsi dire, dans la vie privée. Ils tendaient déjà à se mettre à part : il les isole ; ils se refroidissaient les uns pour les autres : il les glace(11).»
Dans un pays qui ne tolère pas la protestation sociale, l’appel des syndicats à la grève générale crée une ambiance tendue dans la ville. Il met visiblement les forces chargées de l’ordre en état d’alerte. Les habitants, les femmes et filles, les élèves, les commerçants, les travailleurs… en état de panique et de méfiance. L’appel à la grève générale, suite à l’augmentation des prix des produits alimentaires de première nécessité, offre une occasion à la protestation sociale d’émerger d’une manière non-organisée et violente. L’appel à la grève générale devenait synonyme au niveau des représentations sociales et officielles d’émeute.
Depuis le début des années 80, l’opposition politique exerce systématiquement sa pression sur l’Etat pour occuper le devant de la scène politique. D’abord à travers les différentes grèves générales qui se transforment à chaque fois en émeutes (en 1981et 1990) secouant ainsi les villes et le pouvoir politique. Le Pouvoir ne laissait à la société urbaine qu’une marge éventuelle de réaction, de résistance ou d’émeute.
Emeutes et manifestations: pourquoi les gens protestent?
Les émeutiers à Casablanca qui s’attaquaient, en juin 1981, aux arbres, aux abris-bus, aux poteaux d’électricité, et incendient des voitures appartenant au petit peuple n’ont-ils pas eu un comportement irrationnel et maladif? Depuis le XIXe siècle, les sciences sociales ont cherché à comprendre et à expliquer les conduites sociales. Le débat tournait autour de la rationalité et de l’irrationalité des comportements collectifs. Ainsi, Max Weber (1864-1920) distingue quatre types de motivations qui déterminent l’action sociale(12):
L’adaptation des moyens aux fins;
La conviction de la supériorité de certaines valeurs qui poussent leurs acteurs à agir dans un sens;
Le poids des traditions;
Les passions affectives qui guident les comportements en dehors de toutes actions rationnelles.
Si le premier point traduit une action sociale rationnelle, ayant des objectifs précis à atteindre, les trois autres types d’actions sociales sont plutôt guidées par des valeurs, des traditions ou par des émotions. L’émotion qui guide le comportement collectif de la foule était développée par Gustave Le Bon (1840-1931). Dans une analyse psycho-sociale qui tentait d’étudier les caractères fondamentaux de la foule, il écrivait que celle-ci est «conduite presque exclusivement par l’inconscient»(13). «L’individu en foule se rapproche des êtres primitifs(14)… Les instincts de férocité destructives sont des résidus des âges primitifs dormant au fond de chacun de nous»(15).
L’hypothèse d’orientation psychologisante relatives à la frustration-agression (violence) qui expliquerait l’explosion violente des conflits sociaux allait faire recette. Louis Coser écrivait: «Je suis intimement persuadé que les êtres humains… ne recourent à l’action violente que s’ils se trouvent dans des conditions d’extrême frustration, de délabrement moral et d’angoisse»(16). Participer à l’action violente est «une occasion pour les opprimés et les réprouvés d’affirmer leur identité et de clamer leur qualité qui jusqu’ici avait été dénié»(17).
Depuis l’ouverture du système politique, à partir de la seconde moitié des années 90 du siècle dernier, les grèves générales au Maroc ne correspondent plus automatiquement au déclenchement de l’émeute dans les quartiers. La population passe selon le modèle de Albert O. Hirschman de la voie de loyalisme et de la défection à la prise de la parole(18). Si les années 80 se caractérisaient par la multiplication et la répétition des émeutes en milieu urbain, les années 90 se présentent comme une étape où les mouvements sociaux et les nouveaux mouvements sociaux pourraient s’organiser et se renforcer.
Avant les années 90, rares sont les acteurs à la tête d’un mouvement social qui pensent demander aux autorités locales une autorisation préalable pour l’organisation d’une manifestation. L’occupation de l’espace public (manifestation, marche, sit-in…), même si elle n’est que rarement autorisée, constitue au cours des années 90, un enjeu politique permettant aux différents mouvements sociaux d’exercer une pression permanente sur le pouvoir politique.
C’est dans cette perspective que certaine littérature sociologique (depuis Max Weber et Gustave Le Bon jusqu’à Lewis Coser) distingue, grosso modo, la thèse de l’irrationnel émeutier et du rationnel manifestant. Ce dernier devient donc la forme «moderne» et «légale» de la protestation sociale. Toujours dans le sens de séparer les actions collectives rationnelles de celles qui sont irrationnelles, Lewis Coser a distingué le conflit réaliste du conflit non-réaliste. Le premier est un moyen pour atteindre certains objectifs spécifiques fixés d’avance(19) (grèves, manifestation, pétitions revendicatives, etc.) et le second, par contre, n’est pas occasionné «par des rivalités d’antagonistes, mais par le besoin de libérer une tension»(20) agressive chez une ou plusieurs personnes (émeutes, révoltes).
Un nouveau courant sociologique anglo-saxon s’est imposé dans les années 60, à travers Davis (1962) et Ted Robert Gurr(21) (1970). L’action collective n’est plus située dans le domaine de l’irrationnel. Une nouvelle perspective s’est ouverte qui cherche à mettre en exergue les raisons susceptibles d’expliquer l’explosion des mouvements de protestations sociales. La variable explicative déterminante est l’accentuation d’un processus de frustration sociale, c’est-à-dire le décalage entre les aspirations d’un groupe d’individus et la perception qu’il a de sa situation concrète. Dans cette même logique théorique que Pierre Bourdieu approche la révolte des étudiants, en France, de mai 1968. En analysant ce mouvement social estudiantin, Bourdieu met en relief le décalage entre les aspirations sociales et la position sociale. La crise estudiantine est approchée comme processus général de dévaluation des titres de diplômes «le nombre des diplômés du supérieur augmentant plus rapidement que celui des emplois des cadres supérieurs»(22).
C’est dans les facultés des lettres et plus particulièrement en psychologie et en sociologie, disciplines où étaient sur-représentés les étudiants d’origine sociale aisée ayant effectué de médiocre parcours scolaire, où le décalage entre les prétentions sociales et les perspectives réalistes d’emploi était donc le plus élevé. La révolte des étudiants bourgeois exposés au déclassement social a pu s’étendre à d’autres étudiants, d’une part parce que la proximité des conditions était redoublée, notamment dans les facultés des sciences et lettres par une homologie de position (une menace de déclassement sinon toujours par rapport à la position parentale du mois par rapport aux positions que pouvaient laisser espérer les titres universitaires dans un état antérieur du système(23).
Avant Pierre Bourdieu, Ted Robert Gurr estime(24) que l’intensité des frustrations est le carburant des mouvements sociaux. Il analyse la frustration comme un état de tension, une satisfaction attendue et refusée, génératrice d’un potentiel de mécontentement et de violence(25). La souffrance sociale n’est pas corrélée à des normes absolues (seuil de pauvreté…) mais pensé comme misère de position, décalage entre les attentes socialement construites et la perception du présent.
C’est à partir de cette approche théorique que nous pouvons expliquer la violence et la radicalisation des jeunes diplômés chômeurs au Maroc. Elle met en exergue le paradoxe entre la position sociale attendue et espérée, après de longues études universitaires, et la réalité sociale amère qui réduit les jeunes diplômés à la misère, au chômage ou à l’exercice d’un métier qui ne valorise pas ses compétences acquises à l’université. Cette approche théorique peut également analyser les récents mouvements de protestation sociale dans les régions et les petites villes, loin de l’axe Casablanca-Rabat. La mobilisation sociale dans les villes de Bouarfa, Sefrou, Tata, Sidi Ifni, al-Hociema, Zogora… traduisent un sentiment intense de frustration dû à leur marginalité socio-spatiale chez les nouvelles couches sociales moyennes montantes instruites. Les habitants de ces petites villes, mobilisés par l’AMDH, ATTAC, le PJD, le PSU, l’USFP… ou tout simplement le tissu associatif local, expriment le sentiment d’appartenir à un «Maroc inutile», d’être exclus de la dynamique que connaît actuellement le pays. Nous allons y revenir avec l’exemple de l’évolution récente de la mobilisation sociale à Sidi Ifni.
Dans une nouvelle conjoncture caractérisée par un processus d’ouverture du système politique, les mouvements éparpillés des protestataires dans l’espace public, relayés par les mass média, participent à un processus de la politisation d’une population qui se sent actuellement marginalisée et capable de prendre la parole sans trop de risque. Alors qu’elle se considérait depuis longtemps comme étant sous surveillance politique. La répression selon la théorie des opportunités politiques réduit la mobilisation. Le fait de recevoir officiellement et de dialoguer régulièrement avec les protestataires encouragent les acteurs mobilisateurs. Quand les pouvoirs publics entament des réformes ou répondent favorablement à des demandes sociales, ils légitiment l’action protestataire.
Sidi Ifni, une ville en ébullition contre la marginalisation
Ancienne enclave espagnole jusqu’en 1969, la ville de Sidi Ifni, au sud du pays, abrite 20.000 habitants selon le recensement de la population et de l’habitat de 2004. Elle souffre d’un enclavement géographique qui renforce sa marginalité économique et sociale(26). Dans les centres urbains enclavés ou éloignés des grandes villes, la mobilisation sociale des masses urbaines se fait essentiellement autour de la thématique relative à la marginalisation spatiale et à l’exclusion sociale. Dans ces régions, l’organisation sociale de la protestation peut se réaliser au-delà des clivages politiques traditionnels. Le cas de la ville de Sidi Ifni est de ce point de vue très révélateur.
Les acteurs fructifient le sentiment de frustration pour la mobilisation des habitants:
«Sidi Ifni est une ville en agonie».
«Le port de Sidi Ifni regorge de poissons, chaque jour des milliards sortent du port sans que les habitants d’Ifni en bénéficient».
«Nous voulons notre propre préfecture».
C’est contre cette perception de la marginalisation et ce sentiment de dépendance de Sidi Ifni à l’égard d’une autre préfecture (Tiznit) que la ville était l’objet d’affrontements multiples entre les autorités locales et les habitants. Les entrepreneurs de la protestation sont organisés sous forme d’un Secrétariat qui groupe les différents partis politiques (PJD, USFP, Istiqlal, la Gauche socialiste unifiée), les associations et les syndicats des enseignants, des taxis, des employés municipaux, etc. Créé en avril 2005, le Secrétariat a lancé un appel à la manifestation contre l’exclusion sociale et la marginalisation de leur région, la mauvaise gestion municipale, la non-transparence dans les opérations relatives aux marchés publics, etc. En effet, on assiste, le 22 mai, à une mobilisation d’environ 7.000 habitants de la ville de Sidi Ifni et de la région d’Aït Ba Amrane(27). En partant du siège du Pacha, les manifestants ont traversé les grands boulevards du centre-ville.
Une seconde marche de protestations a été organisée, le 07 août, à Sidi Ifni. Elle s’est terminée par une violence orchestrée par les forces de l’ordre contre les manifestants. Devant les menaces des protestataires de descendre encore une fois dans la rue la semaine d’après, le gouverneur de la région a demandé la formation d’un comité représentant les protestataires afin d’entamer un dialogue avec eux. Après sa réussite symbolique, la protestation sociale a également abouti à un dialogue entre les membres du Secrétariat et le Conseil régional de Sous. Mais deux semaines après, le 21 août 2005, les promoteurs de la protestation ont reconquis l’espace public. Après deux heures d’affrontement, les autorités locales ont été contraintes d’accepter d’autoriser la marche.
La date de 30 juin qui devrait célébrer l’intégration de la ville de Sidi Ifni dans le territoire national, devient un moment privilégié de protestation sociale. En ce mois de juin 2007, une centaine de jeunes diplômés chômeurs ont occupé la route en obligeant les autorités locales à fermer les principaux sièges administratifs(28). L’ensemble de ces protestations étaient encadrées par Le comité de coordination, baptisé Secrétariat local de Sidi Ifni-Aït Baamrane (SLSIA) qui a appelé à la grève générale le 30 juin et au boycotte des élections législatives de septembre 2007.
La protestation sociale monte d’un cran le 30 mai 2008. Un sit in a été organisé devant une usine de poisson au port de Sidi Ifni. Dispersé par les forces de l’ordre, le sit in a fait 45 blessés dont 28 agents de la police. Ces événements ont été déclenchés après l’organisation par la municipalité de la ville d’un tirage au sort pour pouvoir recruter huit agents (éboueurs). Plus de 972 personnes avaient répondu à l’appel. Profitant de l’effet de la foule, les protestataires, parmi eux les membres du Secrétariat local, ont observé un sit in en bloquant les activités du port. Plusieurs camions, environ 90, chargés de poissons, ont été pris au piège, car le sit in a duré une semaine et ce 24 heures sur 24. Les protestataires ont installé trois tentes et se sont retranchés derrière des barricades(29). Le dialogue entamé par les autorités locales avec les protestataires reste sans aucun effet(30).
La presse relate que la ville a été encerclée par plus de 3.000 agents appartenant à différents types de forces de l’ordre, soutenus par un hélicoptère. Les forces de l’ordre sont intervenues violemment, le samedi 07 juin 2008, pour disperser ce sit-in qui a trop duré. Bilan: plusieurs blessés et une centaine de personnes arrêtées(31). A la suite de ces événements(32) très médiatisés, le parlement décida la création d’une commission d’enquête; 15 députés(33) sont partis enquêter sur place. Une mobilisation sociale similaire s’est déroulée en juin 2005 dans la ville de Tata. L’Instance de défense de la qualité et de la gratuité des services médicaux (Hayaate addifaa ane jawdate wa majaniyate al khadamate assihiya) qui regroupe plus de 30 cadres appartenant à des partis politiques, syndicats et associations, a assuré une mobilisation massive(34) des habitants aux mois de mars et de mai.
Devant cette mobilisation sociale, les autorités locales avaient interdit l’occupation de l’espace public. Le premier juin, les forces de l’ordre interviennent violemment pour disperser les protestataires en sit-in. Les membres de l’Instance sont poursuivis par la justice pour réception de dons sans autorisation administrative préalable. Mais, le soutien des habitants à l’Instance(35) lui a permis d’étendre sa protestation pour revendiquer sa participation au contrôle de la gestion de l’administration publique de la province. La pression de la rue a abouti à deux réunions avec les représentants des autorités locales et le conseil municipal de Tata. Certaines revendications ont été satisfaites telles la gratuité des soins médicaux pour les habitants les plus démunis et la suppression du payement préalable aux soins. La production sociologique ne cherche plus à la question devenue classique, à savoir pourquoi les gens se révoltent, mais plutôt comment les gens protestent? Comment s’organise et se construit une mobilisation sociale?
La théorie de la mobilisation des ressources: comment les gens protestent?
Les années 70 ont donnée lieu aux USA à l’émergence d’un nouveau cadre d’analyse des mouvements sociaux : la théorie de la mobilisation des ressources. Il ne s’agit pas comme dans le modèle «collective behaviour» de se demander pourquoi des groupes se mobilisent, mais comment se déclenche, se développe, réussit ou échoue une mobilisation(36) collective. Les mouvements collectifs sont des actions qui ne sont déterminés ni par des crises systémiques, ni par des situations de marginalité, ni par des conditions de privation que ressentent leurs acteurs, mais par la capacité qu’ont ces derniers à organiser, quand la disponibilité des ressources le permet, des mobilisations visant la défense de leurs propres intérêts et de leurs valeurs.
L’utilitarisme a connu, dans les années 70, un regain de vitalité avec cette théorie dite de la mobilisation des ressources. Ce courant sociologique propose une autre interprétation (utilitariste) qui invente le concept de «la mobilisation des ressources» pour l’explication des actions collectives. La théorie de la mobilisation des ressources tendent à privilégier le degré et la nature de l’organisation sociale de l’action collective (organisation organique, «moderne» ou communautaire, «traditionnelle»).
Il s’agit donc d’une action rationnelle par excellence. Il faut donc examiner le processus de mobilisation de toutes les ressources (argent, mass média, réseaux communautaires ou autres, capital symbolique, idéologie…) pour pouvoir construire ou renforcer un mouvement social revendicatif. Cette théorie n’explique que la moitié des phénomènes du mouvement collectif, c’est à dire la capacité d’agir qui due à la convergence des intérêts des membres d’un groupe avec ceux d’une organisation permettant l’amorce d’une mobilisation de ressources dont peuvent bénéficier les acteurs et grâce auxquelles ceux-ci parviennent à faire naître et à développer une action collective (McCarty & Zald)(37). L’autre moitié de l’explication réside dans l’environnement externe qui est de nature politique. L’environnement extérieur peut donc aussi bien impliquer des facilités que des difficultés dans la formation et le développement des actions collectives.
Aucun mouvement social ne peut émerger s’il ne bénéficie pas d’un minimum d’opportunités politique. L’étude de l’environnement est un enjeu qui constitue une structure structurante de l’activité des contestataires. Sidney Tarrow (1989) définit le concept des opportunités politiques en fonction de cinq facteurs:
Le degré de fermeture ou d’ouverture du système politique
La stabilité ou l’instabilité des alignements politiques
La présence ou l’absence d’alliés et de groupes de soutiens
La division des élites ou leur tolérance pour la protestation
La capacité du gouvernement à initier des politiques publiques(38).
Charles Tilley privilégie le contexte politique dans lequel peuvent apparaître les mobilisations collectives. En analysant les violences collectives, C. Tilley(39) construit quatre types de systèmes politiques qui se caractérisent par:
1- Une grande capacité de non-démocratie (high capacity undemocratic), il cite l’exemple de la Chine et de l’Iran,
2- Une faiblesse capacité de non-démocratie (low capacity undemocratic) illustrée par les pays de la Somalie et du Congo,
3- Une grande capacité de démocratie (high capacity democratic), comme le cas de l’Allemagne et du Japon,
4- Une faiblesse capacité de démocratie (low capacity democratic), comme la Jamaïque. Le Maroc pourrait être inclus dans cette dernière catégorie.
Les systèmes politiques qualifiés de faible capacité de non-démocratie que nous trouvons essentiellement dans les pays africains sont des régimes autoritaires, qui n’arrivent pas à maîtriser le contrôle des mouvements sociaux ou ethniques. Cette faiblesse de contrôle engendre des violences collectives meurtrières répétitives de la part de la population, puis également, de la part des forces chargées de maintenir l’ordre.
A l’instar des pays appartenant à des systèmes politiques d’une grande capacité de non-démocratie, ils réussissent à se maintenir au Pouvoir en empêchant toute autonomie des mouvements sociaux. Les luttes sociales sont réprimées dans le sang. Contrairement aux pays à faible capacité de non-démocratie, les systèmes politiques, qu’on qualifie de totalitaires (grande capacité de non-démocratie), se caractérisent par l’explosion des violences collectives spectaculaires, mais isolées et limitées dans le temps et dans l’espace.
Au Maroc, la multiplication des actions menées par les mouvements sociaux en milieu urbain correspondent-elles à une nouvelle réalité sociale, produit d’un long processus, ou sont-elles tout simplement le produit d’une nouvelle conjoncture caractérisée par une ouverture du système politique marocain? Certes, comme nous l’avons déjà signalé, le système politique avait trop longtemps étouffé les mouvements sociaux revendicatifs. Si la réalisation du consensus politique national autour du problème du Sahara avait pour conséquence une relative « paix sociale » demandée par le souverain à partir de 1975, celle-ci ne se traduit plus sur la scène sociale. La création du syndicat de la CDT (Confédération démocratique du travail), proche de l’USFP, les appels successifs aux grèves et la multiplication des émeutes violentes au cours des années 80 vient rompre cette «paix sociale» et prouve par la même occasion la fragilité de l’encadrement politique de la société urbaine.
A partir des années 80, une nouvelle gestion politique de la société urbaine se met en place. Elle consiste à ne plus utiliser la seule violence physique comme moyen de répression de la société (arrestation, intimidation, liquidation, emprisonnement pour délit d’opinion, suspension des Ulémas et Khatibs (prêcheurs), censure des journaux, suspension de revues…). Une nouvelle attitude politique «officielle» est en train de se construire qui consiste à assurer un meilleur contrôle des masses urbaines grâce:
à l’élaboration d’instruments de planification urbaine
à une politique massive du logement social. Cette nouvelle orientation est accompagnée de l’affichage de nouvelles valeurs liées à la démocratie, aux droits de l’homme, à l’Etat de droit, aux élections «sérieuses»… qui permettent à la fois l’amélioration de l’image extérieure du pays et l’adhésion des couches sociales moyennes citadines et instruites.
Les interventions étatiques ne s’inscrivent plus sur un plan purement idéologique ; des actions visant le contrôle et l’intégration socio-urbaine de la population citadine sont mises progressivement en oeuvre, plus particulièrement après les émeutes de juin 1981 à Casablanca:
• élaborer et veiller à l’exécution des documents d’urbanisme dans le but de quadriller la ville, et plus particulièrement les quartiers denses et périphériques, et par voie de conséquence, disposer d’espaces facilement visibles et lisibles, donc aisément contrôlables;
• accélérer la mise en oeuvre d’une politique massive du logement social pour résorber les espaces urbains perçus comme foyers privilégiés de mécontentement social;
• renforcer le contrôle administratif par la multiplication des arrondissements urbains et des commissariats, et par le découpage des grandes villes en plusieurs préfectures coiffées par une Wilaya;
Si les années 80 étaient le théâtre de violences collectives récurrentes de la part de la société et de la part des appareils de l’Etat, les années 90 annoncent de nouvelles formes de protestation ayant pour enjeu l’occupation de l’espace public. En effet, depuis 1991, le mouvement des diplômés en chômage se durcit. Un sit in a été organisé, à partir du début septembre 1995, face au siège du Ministère de l’éducation nationale pendant plus de 9 mois et demi. Ce sit in est le plus long dans l’histoire de la mobilisation du pays qui ne dispose pas d’ailleurs d’une tradition de protestation similaire. En effet, 79 personnes diplômés universitaires, venant de plusieurs villes du Maroc et appartenant dans leur majorité à des familles socialement modestes, ont réussi à occuper «illégalement» l’espace public pour manifester leur revendication en matière d’emploi.
Les nouveaux mouvements sociaux
La dispersion, l’hétérogénéité et la multiplication des luttes sociales urbaines qui ont envahi l’Europe occidentale au cours des années 70, ont créé une sorte de malaise chez les sociologues qui pensent que le seul mouvement social réel est lié à la classe ouvrière.
Alain Touraine s’est posé la question suivante: «quel est le mouvement social qui occupera dans la société post-industrielle le rôle central que fût celui du mouvement ouvrier dans la société industrielle et celui du mouvement pour les libertés civiques dans la société marchande?»(40) Selon Alain Touraine, le mouvement ouvrier est le seul qui répond exactement à la définition du mouvement social. Aucun de ces nouveaux mouvements sociaux ne constitue un conflit social central et durable dans la société actuelle. Le mouvement a bénéficié d’une solidarité et d’un soutien du milieu intellectuel, des partis politiques, des associations, des syndicats qui le rend plus structuré, plus fort, plus combatif. Actuellement, «les mouvements sociétaux sont devenus des mouvements moraux alors que, dans le passé, ils avaient été religieux, politiques ou économiques»(41).
Le concept de nouveaux mouvements sociaux s’imposait progressivement en Occident au cours des années 70 dans les sciences sociales. Son élaboration correspondait à l’affaiblissement de la mobilisation sociale de la classe ouvrière et à la naissance de plusieurs types d’actions collectives contestataires de l’ordre social établi ; la mobilisation sociale est menée par des acteurs nouveaux qui se sont imposés sur la scène urbaine, tels le mouvement des femmes, des habitants, des étudiants, des régionalistes, des pacifistes, des homosexuels… Les nouveaux mouvements sociaux se définissent par rapport à la naissance d’une nouvelle classe moyenne dont les membres ont une formation poussée, une certaine sécurité économiques et des activités professionnelles liées à l’enseignement ou à d’autres secteurs qui fournissent des services qualifiés. Ce sont les membres radicaux de cette classe moyenne que proviennent les activistes et les partisans de ces nouveaux mouvements sociaux. Favorisé par une nouvelle conjoncture politique, le mouvement associatif marocain se renforce de plus en plus. Les nouveaux mouvements sociaux revendicatifs se manifestent plus particulièrement à travers les associations féminines, celles des droits de l’homme, celles à vocation religieuse, celles du mouvement Amazighe(42)…
L’émergence et le renforcement des nouveaux mouvements sociaux ont mis en exergue d’autres formes de domination. Ils ont mis progressivement sur l’espace public de nouveaux conflits sociaux, de nouveaux enjeux sociétaux et de nouvelles valeurs en compétition. Le débat est marqué par la question féminine (le divorce, le mariage précoce, la violence contre la femme, la pension alimentaire, etc.), la corruption, la peine capitale, la torture…les droits culturels et linguistiques, la liberté d’expression et toutes les valeurs liées aux droits de l’Homme d’une manière générale, sans oublier tout récemment le débat autour de l’avortement, de l’homosexualité…
Les derniers événements (décembre 2007) qu’a vécus la ville de Laksar el-kebir en témoignent largement. L’opinion publique locale était mobilisée contre un présupposé mariage entre deux homosexuels masculins. Une marche a été organisée juste après la prière du vendredi par la mouvance islamiste appuyée par des représentants locaux d’une association de droit humain (AMDH). Le lynchage a été évité de justesse. C’est dans le cadre de ces arrestations que l’association(43) Kifkif est créée à Madrid en 2004 et que son coordonnateur général monte au créneau en 2009 pour dénoncer la pénalisation des pratiques homosexuelles. Au Maroc, l’association accueille les homosexuels (lisbiennes, bisexuels et transexuels) sous forme de groupement, notamment à Casablanca(44). La plupart des adhérents de Kifkif(45), soit plus de 1.000, personnes résident au Maroc(46). Les adhérents sont plutôt adolescents et jeunes. Etant donné que les pratiques homosexuelles sont sanctionnées par la loi, l’adhésion est confidentielle et se fait essentiellement à travers le site Internet. La prise de la parole par le coordonnateur de l’association Kifkif à travers la presse nationale donne une visibilité au débat sur les pratiques homosexuelles au Maroc confinées jusqu’ici dans la clandestinité. En effet, le président de Kifkif a bénéficié d’une médiatisation importante à travers la presse dite indépendante: quatre entretiens dans le quotidien Assabah(47), un entretien respectivement avec l’hebdomadaire al-Ayyame et Aujourd’hui le Maroc(48).
Les islamistes montent au créneau pour dénoncer l’homosexualité en la considérant comme la «grande catastrophe», «le grand crime pour les musulmans»(49). L’un des leaders du parti de l’Istiqlal, Mohamed Khalifa, déclare que l’association Kifkif a pour objectif de mettre en cause l’identité marocaine … et de secouer les piliers fondamentaux du Maroc(50). Le coordonnateur de Kifkif rassure l’opinion publique en déclarant que nous n’allons pas manifester dans l’espace public avec des vêtements de femmes(51): «nous sommes des Marocains et nous respectons le Maroc. Nous souhaitons tout simplement, débattre de choses qui nous intéressent»(52).
La mise sur le marché de nouvelles valeurs menées par des acteurs numériquement minoritaires s’heurte à des valeurs séculaires, solidement ancrées dans la société. Récemment (en 2009), une bande de jeunes (une journaliste, une psychologue…) étaient arrêtés, puis relâchés, par la police, par ce qu» ils étaient soupçonnée d’être l’inspirateur d’une tentative de manifestation dans l’espace public, à Mohammadia, de “non-jeûneurs” durant le Ramadan. Ils revendiquent leur appartenance au Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (Mali), né d’un groupe de discussion présent à l’origine sur Facebook.
Mais en Occident, les nouveaux mouvements sociaux s’essoufflent. Alain Touraine écrivait: «Au milieu des années 70, on a vu se développer ce que j’ai nommé de nouveaux mouvements sociaux, mais quelques années plus tard la plupart d’entre eux semblent avoir disparu. Ce n’est en tous cas ni le mouvement étudiant, décomposé ou réduit à des soulèvements sans lendemains, ni les mouvements des femmes, qui s’est désorganisés au lendemain de ses victoires juridiques, ni l’action des minorités régionales ou culturelles qui peuvent prétendre occuper aujourd’hui la place que fut celle du mouvement ouvrier dans le passé, et le mouvement écologique est davantage une critique du modèle de développement antérieur qu’un mouvement proprement social(53). Devant l’essoufflement la mise en question de la «mission historique» de la classe ouvrière, selon la théorie marxiste, il fallait chercher de nouveaux acteurs mobilisateurs. La rencontre de Pierre Bourdieu avec le mouvement social n’est pas fortuite. Il est l’un des grands penseurs des formes de domination sociale. Il cherche à inventer une nouvelle relation entre les chercheurs et les mouvements sociaux dans un travail collectif de critique et de proposition conduisant à de nouvelles formes de mobilisation et d’action(54). «On ne peut pas faire l’économie d’un objectif aussi visiblement utopique que la construction d’une confédération syndicale européenne unifiée»(55). Ce syndicalisme rénové appellerait des agents mobilisateurs animés d’un esprit profondément internationaliste et capable de surmonter les obstacles liés aux traditions juridiques et administratives nationales(56). Il accorde ainsi une grande importance à l’action des intellectuels au niveau de la mobilisation des masses. Il souhaite «une organisation capable d’orchestrer le travail collectif d’un ensemble international de chercheurs, d’artistes et de savants»(57). Dans cette entreprise collective, c’est sans doute aux savants que revient le rôle primordial, à un moment où les forces mondiales ne cessent d’invoquer l’autorité de la science, économique notamment(58). Et il ajoute l’«une des fonctions des chercheurs pourrait être (idéalement) de jouer le rôle de conseillers en organisation du mouvement social en aidant les différents groupes à surmonter leurs différends»(59). Bourdieu était accusé de populisme, d’idéaliser le citoyen protestataire, et méfiant à l’égard des institutions de représentation. Ses prises de position publiques, notamment depuis la grève en France(60) de 1995, «ne manquent pas de susciter de violentes réactions, journalistiques, politiques ou savantes, mais également, c’est la loi du genre, des plaidoyers passionnés pro domo»(61).
Les rapports de l’OMDH : des informations non-précises
Les rapports de l’OMDH étaient réalisés avec sens aigu de la responsabilité et du professionnalisme. Les rapports de l’OMDH, spécialement celui sur les événements de Sidi Ifni, est très courageux. Il cherche la neutralité en dénonçant à la fois la répression des forces de l’ordre et les dérapages des protestataires. Les rapports, la presse et les médias d’une manière générale ont tendance à «sympathiser» avec les protestataires comme victimes de la répression policière.
A travers des visites sur le terrain et une écoute de tous les acteurs concernés par les protestations sociales (victimes, représentants des autorités locales et centrales, procureur, médecins…), le rapport sur Sidi Ifni avait mis en relief un principe très simple, mais qui n’est pas toujours mis en œuvre : la loi doit être respectée par tout le monde, aussi bien par les forces de l’ordre que par les protestataires. Le rapport de l’OMDH estime que le sit in organisé au port de Sidi Ifni constituait une atteinte au droit des autres, par ce que 700 tonnes de poissons étaient en train de pourrir sous le soleil (p. 102) à cause des protestataires. ص. 100 القايد الضحية p. 36 : neutralité p. 58 sefrou . و محاولة المنظمة أن تكون موضوعية في تعاملها مع الأحداث. ص. 54 مثلا
Le rapport de l’OMDH, même s’il était critiqué par plusieurs associations, reste une référence qui met un peu de lumière sur les événements. Le rapport sur Sidi Ifni est réalisé dans un climat de chaos total. On ne distinguait plus entre l’information et les rumeurs écrites. Des informations fausses étaient largement médiatisées par la chaîne de katare al-Jazira. On parle d’émeutes du pain, de viols, d’une dizaine, voire d’une centaine de morts parmi les protestataires. Les chaînes de télévision publiques ont étaient plutôt silencieuses. La déclaration peu crédible du Premier-ministre va complètement à l’encontre des informations véhiculées par la presse et le Centre marocain des droits de l’Homme.
L’identification des acteurs de la protestation faite défaut dans la majorité des différents rapports de l’OMDH Ils évitent, consciemment ou inconsciemment, d’évoquer et d’identifier les acteurs de la protestation sociale. Un rapport élaboré à partir d’une enquête sur le terrain sur des conflits sociaux précis aboutissant à une violence à la fois de la part des forces de l’ordre et des protestataires, doit en premier lieu repérer les organisateurs de la protestation. A la page 13, 14, 19 et 98, par exemple, le Rapport sur les événements de Laayoune et ceux de Sidi Ifni utilisent à plusieurs reprises une notion aussi bien générique que vague pour désigner les acteurs de la protestation, à savoir(62) :
Un groupe d’habitants…
Certains habitants se sont regroupés… en lançant des slogans anti-marocains…
Une manifestation a été organisée à Bahalile… p. 14, 16, 52
En outre, les rapports nous ont soumis des listes de personnes arrêtées par la police sans préciser leurs appartenances politiques, syndicales ou associatives. La non-précision de l’information est l’un des grandes faiblesses des Rapports. A titre d’exemple, on peut lire à la page 16 et 17 que «le comité (les rapporteurs) a recueilli plusieurs témoignages»…. «Plusieurs accusés se sont plaints de…»). Mais à la page 53, on précise très bien que la manifestation de Sefrou était organisée par l’AMDH.
Plusieurs formules non-précises sont utilisées dans les Rapports de l’OMDH:
«Le comité a reçu plusieurs témoignages…», p. 16,
«Plusieurs accusés se sont plaints…», p. 17,
«L’arrestation de certains membres de l’AMDH…», p. 17,
«Harcèlement de certaines organisations non-gouvernementales», p. 19
Même remarques peut être formulée par rapport aux dégâts matériels. Le rapport utilise la formule suivante à la page 105: «Destruction des serrures de plus d’une maison à Sidi Ifni». Ou encore des expressions telles les forces de l’ordre utilisent un lexique sexuel vulgaire et indécent. Alors qu’il faut préciser, par exemple, que les protestataires arrêtés étaient insultés et traités de fils de putains et fils d’Espagnols…
Notes
1- Le caractère éphémère de l’émeute ne signifie pas qu’elle est sans conséquences politiques, sociales, spatiales, etc. Les retombées de l’émeute de juin 1981 au Maroc et celle d’octobre 1988 en Algérie sont de ce point de vue révélatrices.
2- Voir la bibliographie à la fin du texte.
3- Pour plus de détails, voir notre article : « Sciences sociales et violence collective urbaine au Maghreb». In Prologues, n° 16, 1999, Casablanca
4- Claude Liauzu, G. Meunier (et all), Enjeux urbains au Maghreb : crises, pouvoirs et mouvements sociaux, Paris, L’Harmattan, 1985
5- Mohamed Naciri, “L’aménagement des villes peut-il prévenir leurs soubresauts ?”. in Etat, ville et mouvements sociaux au Maghreb et au Moyen-Orient, Paris, l’Harmattan, 1989. p. 237-248. In Etat, ville et mouvements sociaux. p. 237-248
6- G. Rocher, Le changement social. p. 146, vol. III. Ed. MHM, 1968
7- Cf. Pickvance, p. 74, op. cit.
8- A. Touraine, Pourons-nous vivre ensemble ? égaux et différents. p. 118
9- A. Touraine, op. cit. p. 117-118
10- Lors des inondations et des incendies dans les bidonvilles ou encore après les effondrements des logements à la Médina ou à la Nouvelle-médina, les forces de l’ordre encerclent rapidement les lieux sinistrés et empêchent toute aide extérieure au quartier sauf si elle passe par l’intermédiaire des autorités locales.
11- Alexis de Toqueville, L’ancien régime et la révolution. Tome 2, in Oeuvres complètes. Paris, Gallimard, 1981, p. 74
12- Alain Touraine, “Action collective”, in Dictionnaire de la sociologie, Paris, Albin Michel, 1998. p. 11-19.
13- Gustave Le Bon, La psychologie des foules. p. 17. Nous n’allons pas revenir ici sur l’emploi de la notion de race par Le Bon pour expliquer les variations dans le comportement de différentes sortes de foules. Voir l’avant propos de Otto klineberg à l’ouvrage de G. Le Bon : Psychologie des foules. Paris : PUF, 1981
14- Op. cit. p. 25.
15- Op. cit. p. 29.
16- Lewis Coser, La fonction du conflit social. Op. cit. p. 131
17- Lewis Coser, idem. p. 129
18- Albert O. Hirschman, économiste américain, a développé un modèle à partir du champ économique pour le transposer au champ politique Il a proposé un modèle d’analyse qui permet de comprendre un mécontentement quelconque : la défection (exit), le loyalisme (loyalty), la prise de la parole (vioce).
19- Le terme «conflit réaliste» n’implique pas nécessairement que les moyens adoptés soient réellement adéquats pour atteindre l’objectif recherché.; ces moyens peuvent sembler adéquats aux participants pour la seule raison qu’ils sont approuvés culturellement». Lewis Coser: La fonction du conflit social. Paris, PUF, 1982. p. 37.
20- Lewis Coser, La fonction du conflit social. p. 33, Paris, PUF, 1982
21- Ted Robert Gurr, Why men rebel. Princeton University Press, 1970.
22- Louis Gruel, La rébellion de 68: une relecture sociologique, Rennes, Presses universitaires de Rennes,2004. p. 19
23- Louis Gruel, La rébellion de 68. p. 20. op. cit. Louis Gruel avance qu’aucune observation n’indique qu’en mai 1968 ou dans les périodes précédentes les étudiants en psychologie ou en sociologie aient éprouvé une menace particulière de déclassement. p. 52
24- Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La découverte, 1996. p. 43.
25- Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux. op. cit. p. 40-41
26- Voir l’article de Mohamed Ben Attou, “Périphérie urbaine et migration dans le pré-sahara marocain, Ifni : une petite ville de la pêche à l’émigration clandestine”, In Dirassat, revue publiée par la Faculté des lettres et des sciences humaines, Agadir, N° 12, 2006, p. 7
27- Cette manifestation de protestation s’inscrit désormais dans une tradition très récente : le syndicat de la CDT avait appelé, le 20 juin 2000, à une manifestation à Zagora, au sud du pays, pour exprimer sa protestation contre l’état et l’insuffisances des équipements sanitaires dans la région. Regroupant entre 6.000 à 7.000 personnes, selon les organisateurs, les manifestants avaient occupé pacifiquement les rues Zagora. La manifestation avait démarré du siège de la CDT en passant par le siège de la préfecture pour arriver finalement à l’hôpital Derrak.
28- A la même période de l’année dernière, les protestataires ont squatté certaines administrations. Le cortège officiel du gouverneur de Tiznit et du Haut commissariat aux anciens combattants avait été le cible des pierres des manifestants. 19 membres du Secrétariat (SLSIA) ont été arrêtés et immédiatement relâchés sous la pression de la rue. Voir l’hebdomadaire Le Roporter, n° 422 du 05 juillet 2007
29- En parallèle, les pêcheurs et les transporteurs victimes du blocus avaient commencé à protester en envoyant des requêtes aux autorités locales et en organisant un sit in.
30- Pour plus de détails, voir le rapport en langue arabe réalisé par l’OMDH : Pour une intermédiation efficace à l’égard des mouvements sociaux et pour interroger et mettre fin à l’impunité. 01 juillet 2008
31- Une grande manifestation de solidarité avec les victimes de la violence policière a été organisée le 14 juin 2008 à Sidi Ifni, sans parler de sit in réguliers abservés par les protestataires après l’intervention violente des forces de l’ordre.
32- La presse signale à tort des décés parmi les victimes de l’intervention des forces de l’ordre.
33- Trois députés du parti de l’Istiqlal, deux pour le RNI, deux pour l’USFP, deux pour l’Authenticité et modernité et un pour le PPS/FFD. Cinq députés du côté de l’opposition parlementaire (PJD, MP et UC).
34- Voir l’hebdomadaire al-Bidawi (en langue arabe), n° 145, 7 juin 2005.
35- L’Instance cherchait en fait à mobiliser la population pour l’organisation d’une marche vers Rabat.
36- M . Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien, 1994, p. 52
37- Antimo L. Farr, les mouvements sociaux : diversité, action collective et globalisation. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2001, p. 73
38- Olivier Fillieule (dir.), Sociologie de la protestation: les formes de l’action collective dans la France contemporaine, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 48
39- Charles Tilly, The politics of collective violence. Cambridge, Cambridge University Press, 2003
40- A. Touraine, La voix et le regard. 1993, p. 125
41- A. Touraine, Pourons-nous vivre ensemble ? égaux et différents. p. 122
42- Les publications périodiques relatives à la culture berbère se sont multipliées au cours des années 90. On peut signaler les revues Amoud en 1990 à Rabat, Tassafout en 1991 à Rabat , Al-haouia en 1994 à Agadir , Amazigh à Rabat , Tifinagh en 1994 à Rabat , Tamount en 1994 à Rabat , Tiffaout en 1994 à Rabat , Taousna en 1995 à Casablanca et Amezday en 1996 à Rabat Cette dernière constitue le bulletin des activités culturelles des associations berbères (Amazighes). Il existe 18 associations berbéristes, dont deux situées à Casablanca, qui sont réunies en Conseil national de coordination.
43- L’association a pour objectif de sensibiliser la société à la souffrance et à la discrimination dont souffrent et pâtissent les homosexuels, de dépénaliser l’homosexualité et d’affirmer le droit de disposer librement de son corps.
44- Toutes les informations relatives à l’association Kifkif et à son coordonnateur général sont puisées dans l’entretien accordé par Samir Bergachi à Maroc hebdo international (Date) et dans le site www.gaymaroc.net
45- Samir Bergachi, le coordonnateur général de l’association Kifkif, est un jeune garçon marocain de 22 ans, né à Nador et grandi à Tanger et à Casablanca. A l ‘âge de dix ans, il a quitté le Maroc pour Paris, puis il s’installe à Madrid où il poursuit ses études universitaires sur la civilisation islamique.
46- Les homosexuels masculins qui se livrent à la prostitution sont estimés à 35.000 personnes par le Ministère de l’Intérieur. Cf. le quotidien Assabahiya (en langue arabe), 24-03-2009
47- Voir le quatre entretiens publiés par Assabah, quotidien en langue arabe, du 2, 3, 4 et 5 mars 2009.
48- Le président de l’association Kifkif a annoncée l’organisation, à Marrakech, le 15 avril 2009, d’un colloque sur « Genre et homosexualité dans la culture marocaine ». Il déclara que « par respect au Ministère de l’intérieur, si l’association estime que le colloque pourrait avoir des retombées négatives sur le Maroc, il est possible de l’annuler ». Cf. le quotidien Assabahiya (en langue arabe), quotidien marocain, 26-03-2009.
49- Les homosexuels déclarent la guerre au Maroc, un dossier préparé par le quotidien Attajdid, proche du parti islamiste le PJD, du 13/15 mars 2009
50- Cf. al-Massae, quotidien marocain en langue arabe, 13-03-2009
51- Cf. le quotidien Assabahiya (en langue arabe), quotidien marocain, du 19-03-2009
52- Cf. le quotidien Assabahiya, du 26-03-2009
53- A. Touraine, “Découvrir les mouvements sociaux”. in Actions collectives et mouvements sociaux ( dir. F. Chazal), p.32-33
54- Pierre, Bourdieu, Contre-feux: pour un mouvement social européen,Paris, Raisons d’agir, 2001. p. 10
55- Idem, p. 21
56- Idem, p. 19
57- Idem p. 40
58- Idem, p. 40
59- Idem, p. 63
60- Le grand refus, réflexion sur la grève de décembre 1995. Alain Touraine, François Dubet, Didier Lapeyronnie… et all. Paris, Libr. A. Fayard, 1996
61- Le mouvement social en France: essai de sociologie politique, Sophie Béroud, René Mouriaux, Michel Vakaloulis, Paris, La Dispute, 1998, p. 44
62- قامت مجموعة من السكان.
تجمهر بعض السكان… رفعت شعارات معادية للمغرب…
نظمت مظاهرة بالبهاليل…
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