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La revue Souffles (1966-1973) : Espoirs de révolution culturelle au Maroc

Kenza Sefrioui, La revue Souffles (1966-1973) : Espoirs de révolution culturelle au Maroc, Thèse de doctorat de littérature comparée, sous la direction de M. le Professeur Jean-Louis Backès, l’Université Paris IV-Sorbonne, le 4 juin 2010.

outrou7at_10.2La revue Souffles, crée en 1966 à Rabat, a été, tout au long de ses sept années d’existence, une tribune singulière. Elle a été initiée par de jeunes poètes d’expression française, dont Mostafa Nissabouri et Abdellatif Laâbi, qui en est devenu le directeur, en étroite collaboration avec les artistes qui enseignaient à l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, dont Mohammed Melehi et Mohammed Chabâa. Cette tribune, destinée à renouveler la littérature marocaine, s’est progressivement élargie à l’ensemble des expressions artistiques (arts plastiques, théâtre, cinéma …).

Dès ses premiers numéros, elle portait une vision engagée et militante de la culture, ce qui l’a amenée à se politiser de plus en plus ouvertement. Dès 1970,Souffles, et surtout son doublet en arabe Anfâs, lancé en mai 1971, deviennent la tribune commune aux deux tendances du mouvement marxiste-léniniste marocain : Ilal Amam et 23 Mars. Cette politisation a précipité l’arrestation des principaux animateurs de la revue, Abdellatif Laâbi et Abraham Serfaty, qui avait rejoint le groupe en 1968, ainsi que de nombreux militants ou simples sympathisants du mouvement, condamnés à de lourdes peines de prison. Des militants en exil ont tenté de poursuivre la publication de la revue, en éditant à Paris de nouvelles séries en arabe et en français, mais les divergences entre les deux organisations marxistes-léninistes y ont mis fin en 1973.

Souffles a été, sinon la première revue littéraire et culturelle du Maroc indépendant, celle qui a eu le plus d’importance. Elle a fait date dans l’histoire littéraire, étant la vitrine de la nouvelle littérature marocaine, et en rassemblant toute une génération d’écrivains et d’intellectuels, à l’époque très jeunes, et dont beaucoup ont eu par la suite un brillant parcours : Abdellatif Laâbi, Mostafa Nissabouri, Mohammed Khaïr-Eddine, Tahar Ben Jelloun, Abdelkebir Khatibi, Ahmed Bouanani, Mohammed Berrada, Driss El Khoury, etc.

Aucune revue n’a par la suite eu cette puissance d’attraction des énergies créatrices. Souffles a également été la première à tenter de dépasser le clivage entre écrivains d’expression arabe et française, en publiant des traductions et en réalisant trois numéros bilingues. Elle a par ailleurs travaillé en lien étroit avec les artistes peintres de l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, avec les cinéastes et les hommes de théâtre, artistes qui tous avaient en commun de refuser toute forme d’académisme et d’assumer des recherches expérimentales dans leurs domaines respectifs. Bref, elle a été la tribune de l’avant-garde culturelle de son époque. Plus tard, elle est devenue celle d’un mouvement politique clandestin qui, issu des partis de la gauche du mouvement national marocain, le Parti de la libération et du socialisme (PLS), avatar toléré du parti communiste, et l’Union nationale des forces populaires (UNFP), s’est positionnée comme l’amorce d’une avant-garde révolutionnaire. Elle a eu un écho très important dans les milieux étudiants, qui étaient à l’époque très politisés à gauche et surtout à l’extrême gauche.

Souffles, en se situant au carrefour entre des préoccupations littéraires, artistiques, linguistiques, intellectuelles et politiques, a donc été le pôle de cristallisation et d’expression d’un mouvement, qui a eu un rayonnement non seulement au Maroc, mais aussi dans tout le Maghreb, ainsi que dans l’ensemble des pays du Tiers-Monde.

Réflexion centrale sur la culture nationale marocaine

La réflexion centrale de Souffles portait sur la culture nationale marocaine. Réflexion à la fois symbolique, mais aussi politique, puisque la culture a vocation à cristalliser une identité collective à l’échelle de la nation. Ce projet ne saurait être compris en dehors du contexte de l’époque, auquel l’équipe de la revue était particulièrement sensible.

Elle était en effet produite par des artistes et des intellectuels progressistes qui constituaient l’élite intellectuelle du Maroc indépendant. Ils étaient issus des classes moyennes, avaient fait leurs études à l’école publique et étaient devenus les cadres de la jeune fonction publique marocaine. Malgré leur bonne intégration dans l’Etat et leur situation relativement privilégiée, ils ont fait leurs revendications de la société pour un Etat de droit et pour plus de justice sociale. Souffles est donc l’expression de leur désarroi face aux orientations que prenait le pays. Les années 1960 ont en effet été des années d’extrême tension politique.

Dix ans après l’indépendance, la monarchie prenait une orientation dictatoriale : état d’exception, répression systématique des partis d’opposition et des mouvements sociaux, notamment la grève des étudiants et lycéens en mars 1965, retraditionnalisation de la société pour appuyer le pouvoir personnel et autoritaire de Hassan II… Cette fermeture était d’autant plus mal vécue que l’époque était au vent de liberté de mai 1968 et aux espoirs portés par le mouvement tiers-mondiste, la révolution palestinienne après la défaite de juin 1967, et la révolution culturelle chinoise. Bref, il s’agissait de lutter contre toute forme d’impérialisme et de néocolonialisme, et le marxisme-léninisme apparaissait comme la solution. La revue a donc canalisé une partie de l’opposition, la plus radicale, celle qui s’exprimait dans la jeunesse étudiante et lycéenne, à travers l’UNEM et le Front des étudiants progressistes, à travers diverses associations culturelles et droits-de-l’hommistes, ainsi que dans les organisations naissantes du mouvement marxiste-léniniste, les futures Ilal Amam et 23 Mars.

Souffles plaidait pour la reprise en mains de la culture nationale, qui devait permettre de parfaire une indépendance jugée inachevée et menacée par le néocolonialisme. En ce sens, son projet s’inscrivait dans la continuité du mouvement national, puisqu’il s’agissait de souligner une originalité fondatrice d’une identité distincte des autres. Il en constituait également une critique, puisque, si le mouvement national avait abouti à la création d’une entité politique indépendante, l’équipe de la revue estimait qu’il n’avait pas réussi à lui donner un contenu. A l’époque où le discours officiel mettait en avant l’arabité et l’islam comme composantes exclusives de la nation marocaine, Souffles revendiquait la richesse plurielle d’un patrimoine multiséculaire, et s’opposait à l’occultation des héritages amazigh et juif. Elle continuait de porter le rêve d’unité du Maghreb, alors que les Etats entraient en opposition à cause de leurs divergences politiques et idéologiques et se repliaient sur eux-mêmes. Aux archaïsmes sur lesquels s’appuyait le pouvoir et au dogmatisme qu’il prônait, Souffles opposait une vision orientée vers la modernité et l’universalité, et faisait du dialogue, du pluralisme et de l’esprit critique le fondement de son projet. Bref, c’est un projet de libération qu’a porté Souffles, qui ne pouvait que se situer en opposition avec le projet officiel, et reposait sur l’espoir d’opérer une révolution culturelle au Maroc.

Une tribune d’opposition

La revue a donc porté les revendications et les espoirs de sa génération, en faisant une contre-proposition à ce qui se jouait, contre-proposition qui ne pouvait en faire qu’une tribune d’opposition. D’abord indirecte, dans le champ des valeurs symboliques, à travers son projet culturel, puis directe, par un discours révolutionnaire positionné sur l’échiquier politique. Cette évolution s’est faite progressivement, transformant cette revue de création en une revue d’opinion, mais en restant appuyée sur une même vision moderniste. En sept ans d’existence, Souffles est allée jusqu’au bout de son projet culturel, qui était d’une telle ampleur qu’il ne pouvait avoir de développement que dans le champ politique. Du premier numéro de la revue au dernier paru dans les nouvelles séries, cette démarche a été assumée pleinement, et, malgré la différence des réalisations, sans rupture aucune. En effet, désaliéner la culture nationale et la restaurer dans sa dignité créatrice et son potentiel de modernité et d’universalité supposait une projection collective à l’échelle de la nouvelle entité politique qu’était la nation marocaine, et susceptible d’emporter l’adhésion de tous ses citoyens. Car en relisant l’histoire, et en proposant un récit qui intégrait toutes les strates culturelles et sociales qu’elle a laissée, Souffles a présenté une construction qui fondait l’identité marocaine sur le pluralisme et le respect de la citoyenneté. Construction politique s’il en est, puisque la synthèse réalisée est porteuse des fondements d’un projet démocratique.

Souffles a donc été une tribune d’opposition, d’abord dans le champ de la culture, en contestant l’absence de vision qu’avait le pouvoir à l’époque concernant ce domaine, puis sur l’échiquier politique ensuite, en relayant le mouvement marxiste-léniniste naissant et sa contestation radicale. Elle s’est sans cesse présentée comme « un instrument de travail, de communication et de combat »,1 ce qui l’a amenée à prendre position dans l’espace public.

Pour elle en effet, l’engagement culturel est en effet indissociable de l’engament politique, et cet engagement est la raison d’être des intellectuels dans le Tiers-Monde. Elle s’est elle-même engagée par les « œuvres-positions » qu’elle proposait, ainsi que par son action dans la cité, à travers la maison d’édition Atlantes ou l’Association de recherche culturelle. Elle a porté un projet de société visant à la fois la restructuration du champ littéraire et artistique et la décolonisation de la culture et de la personnalité marocaines. Un projet de libération totale, où il s’agissait de restaurer la dignité des Marocains après le traumatisme colonial, et de leur permettre de s’imposer comme citoyens conscients et responsables dans une nation pleinement et réellement indépendante. Bref, de redevenir acteurs de l’histoire. Or, si la dimension de lutte contre la colonisation et ses rémanences ne pouvait que faire l’unanimité à l’époque, celle qui concerne le contenu même de la nation marocaine était profondément contestataire. Au projet royal, fondé sur la retraditionnalisation de la société et la revalorisation des archaïsmes pour mieux encadrer les sujets,Souffles opposait en effet un projet fondé sur l’exercice d’une pleine et effective citoyenneté par un peuple éduqué et conscient. Ainsi, créer une revue culturelle pour y formuler cette vision est un acte entièrement politique.

L’idéologie porteuse d’espoir

Mais paradoxalement, le projet de Souffles constituait un tel enjeu sur le plan symbolique qu’il n’a pu être porté par un discours uniquement politique. Au moment où Souffles se politisait ouvertement, son discours prenait des accents messianiques ou utopiques, caractéristiques des réponses de l’imaginaire collectif à une situation vécue comme une crise et nécessitant une quête de sens relevant de l’absolu. Plus qu’une proposition de programme, c’est-à-dire de mesures concrètes à appliquer pour améliorer la gestion des affaires publiques, Souffles a porté une dynamique d’espoir. Espoir de changer l’homme et le monde, qui s’est traduit par la croyance que ce changement radical devait advenir par la Révolution.

En développant un discours révolutionnaire, et en abordant directement des questions politiques, la revue a en effet rencontré les préoccupations de la jeunesse de l’époque, et répondu à un besoin. En fournissant des analyses et des documents sur divers problèmes d’actualité, comme la Palestine, le Tiers-Monde, la Chine, et l’URSS, ou encore mai 1968, elle a comblé les attentes de cette jeunesse très politisée, à la recherche d’éléments pour élaborer sa réflexion théorique, affiner ses références marxistes et débattre. Elle s’est inscrite surtout dans le ton de cette époque marquée par un désir de liberté et d’ouverture, par la volonté de lutter contre toute forme d’impérialisme, qu’il prenne la forme du colonialisme, du néocolonialisme ou du sionisme. Elle s’est retrouvée dans les analyses et les espoirs du mouvement tiers-mondiste, développé dans le sillage des décolonisations, et notamment de ses penseurs comme Frantz Fanon, puis a partagé les déceptions qui ont conduit la jeunesse de l’époque à se radicaliser et à penser que le marxisme-léninisme pouvait être une solution. Comme elle, elle s’est opposée à une culture jugée bourgeoise et petite-bourgeoise, impérialiste et exploiteuse. Comme elle, elle a exalté la lutte des classes et avivé l’espoir de la Révolution. La revue a d’ailleurs contribué à la politisation de beaucoup de jeunes.

Si Souffles a fait rêver cette génération et a pu en cristalliser les espoirs, c’est bien parce que les constats qu’elle faisait sur les problématiques de son époque étaient d’une grande lucidité et d’une rare pertinence, et le paraissent encore aujourd’hui. Les analyses sur les tares du sous-développement, en ce qu’il implique de misère, d’analphabétisme, de dépendance vis-à-vis des puissances étrangères et de blocages de l’initiative politique et économique, les analyses sur le néocolonialisme et sur la reprise en main autoritaire du pouvoir par le roi sous couvert de retraditionnalisation n’ont pas été contestées. Personne n’a non plus remis en cause le bilan calamiteux des politiques d’enseignement, qui s’est même aggravé depuis, pas plus que les positions sur l’absence de véritable politique culturelle, nuisant à l’épanouissement de la création artistique et à l’éclosion d’un marché de la culture. La prise de conscience des transformations de la société marocaine induites par la colonisation et la volonté de recenser et de préserver un patrimoine populaire menacé n’ont pas non plus fait débat, de même que la volonté de remettre en cause les analyses produites par la colonisation en vue de soumettre et de contrôler le pays.

Mais, si la justesse de ces constats a permis à Souffles d’intéresser son lectorat, ce n’est pas l’aspect descriptif et tendant à l’objectivité de ces analyses historiques et sociales, qui a pu susciter autant d’espoir. C’est parce qu’elle a mis en place une rhétorique de manifeste et a proposé une voie susceptible d’amener une solution. Or, la façon dont son équipe, notamment l’équipe de militants marxistes-léninistes, a prôné cette voie relevait moins du programme politique objectif et rationnel que d’une dynamique d’espérance caractéristique des lois de l’imaginaire collectif, en particulier du messianisme et de l’utopie. Ainsi, le marxisme-léninisme a été envisagé essentiellement comme vecteur d’un espoir quasi millénariste, avec l’idée que la Révolution était seule susceptible de transformer radicalement le monde. Il a suscité chez les militants un rapport moins rationnel que passionnel, fait de ferveur et de croyance, qui a fait passer au second plan l’analyse et l’élaboration d’un véritable programme.

Au-delà des erreurs dont ont fait état bien des années plus tard les acteurs et observateurs du mouvement marxiste-léniniste, cette dimension mobilisatrice, canalisatrice d’espoir et porteuse de sens qu’a l’idéologie est essentielle pour comprendre l’ampleur du mouvement qu’a représenté Souffles. Si la revue n’y avait pas eu recours, elle n’aurait sans doute pas eu cette ampleur, vu la composition sociale du groupe dont elle émanait. Mais, si les revendications portées par la revue pouvaient être partagées par le plus grand nombre et éventuellement relayées dans l’ensemble de la société, il est bien évident que la forme de l’argumentation qui leur était donnée, que ce soit via une création avant-gardiste exprimée surtout en français, ou via le marxisme-léninisme, en était très éloignée et n’a eu d’écho que dans la jeunesse lycéenne et étudiante, qui pouvait avoir accès à ces références.

La violence de la répression montre que le mouvement de Souffles, en faisant apparaître combien la culture pouvait être subversive, a provoqué une prise de conscience du pouvoir, qui jusque-là ne s’y intéressait pas beaucoup. Les années qui ont suivi ont été marquées par des mesures destinées à court-circuiter toute velléité d’esprit critique : la suppression de la philosophie, le sabordage des sciences humaines, puis l’arabisation de l’enseignement allaient dans ce sens. Or, l’esprit critique est au fondement de toute véritable action culturelle.

Pour une révolution culturelle démocratique

L’apport essentiel de Souffles a été sa façon d’aborder des questions hautement politiques et de fond par le biais de la culture. C’était une approche tout à fait originale à l’époque. Si la revue, malgré sa faible diffusion, a eu une telle aura par-delà les années, c’est bien grâce à cette approche, qui lui a valu une réussite éclatante à long terme.

En proposant une relecture critique de la culture marocaine dans une optique moderniste et progressiste et en traitant la culture comme une question majeure, elle a en effet porté une réflexion de fond sur ce qui fonde une conscience collective à l’échelle de la nation, sur le projet à formuler pour projeter l’ensemble de la nation dans l’avenir, réflexion qu’elle a menée par le débat et le questionnement de ce qu’est une culture nationale. A une époque préoccupée par la question du développement, son apport est moins au niveau de son action pratique, qui est restée très limitée, qu’en ce qu’elle a cherché à donner un sens à ce développement. Et cette réflexion d’ensemble a joué un rôle important d’incitation à l’action.

Souffles s’est ainsi interrogée de façon très lucide sur le positionnement de la culture marocaine. L’originalité de sa réflexion, menée dans un contexte de décolonisation, était son approche ouverte de l’identité. L’enjeu était la revalorisation d’une culture nationale qui avait été méprisée, voire niée, mais certainement pas un rejet de l’Autre, ni un repli. Souffles voyait au contraire dans les traditions, dont elle proposait une relecture critique, un tremplin vers la modernité. Elle a donc constitué une mise en garde contre les dérives qui pouvaient naître d’un projet identitaire. Elle a en effet refusé un culturalisme étriqué et reposant sur des bases mythiques faciles à exploiter dans un sens populiste et dangereux.

Souffles a eu par ailleurs une réflexion lucide sur la problématique de l’universalité. Sans y opposer un refus méprisant ni l’ignorer, elle a été clairvoyante sur le fait que les interactions entre les cultures sont le fruit d’un rapport de force. Ainsi, les auteurs du Programme de recherche et d’action de l’ARC écrivaient : « Cette universalité âprement convoitée par beaucoup d’intellectuels du Tiers Monde constitue pour eux un moyen de « libération » et de promotion. Or, cet universalisme n’a jamais été jusqu’à maintenant que l’universalité de la culture occidentale. Sa revendication dans l’état actuel des forces culturelles ne saurait aboutir qu’à une nouvelle assimilation des cultures anciennement colonisées. L’appel à la responsabilité et à la culture nationale n’est donc pas une négativité ou un désir de cloisonnement, mais une étape nécessaire pour la restructuration et l’élaboration de valeurs qui pourraient contribuer effectivement à la culture universelle de demain »2. Les horizons d’appartenance dans lesquels Souffles a inscrit la culture marocaine, en n’étant pas seulement définis par des critères identitaires, témoignent de la conscience qu’ils avaient de l’importance d’avoir des causes et des valeurs communes pour établir un dialogue.

D’autre part, Souffles a eu une réflexion fondamentale sur le lien à établir entre les composantes de la société marocaine. En plaidant pour la réhabilitation de la culture populaire dans le cadre de l’élaboration d’une culture nationale moderne, elle voulu créer une culture dans laquelle tous les Marocains, quel que soit leur milieu, puissent se reconnaître. Elle refusait que le peuple et les élites n’aient pas les mêmes références, dans un contexte où il s’agissait de dépasser les clivages induits par l’acculturation liée à la période coloniale. L’enjeu fondamental de cette proposition était la création d’un lien social fondé sur le partage de valeurs communes. Ainsi, les artistes peintres ont mené des actions pour exposer leurs œuvres sur les places publiques, comme à Jamaâ El Fna à Marrakech. Certes, ils avaient bien conscience que leurs travaux pouvaient être difficiles et avaient besoin d’être expliqués. Mais ils ont tenté d’établir un lien par-delà les différences de milieux socioéconomiques et les différences de niveau culturel. Cette démarche a été d’une grande originalité. Par ailleurs, Soufflesappelait à une culture nationale de qualité. Elle refusait l’assimilation de la culture populaire à une sous-culture.

Par tous ces aspects, Souffles a induit une rupture dans la façon de considérer la culture et a constitué une matrice pour la réflexion sur la culture nationale. Certes, la courte histoire de Souffles ne lui a pas permis de faire aboutir à l’époque, autant qu’elle l’aurait voulu, son programme. Il n’en demeure pas moins que les propositions qu’elle a faites concernant l’approche de la culture nationale sont loin d’être caduques. En exprimant ses valeurs progressistes et modernistes par la culture, elle a porté l’espoir et posé les bases d’une révolution culturelle démocratique au Maroc. Feu Ahmed Bouanani, un des auteurs de la revue, écrivait : « Vois-tu nous avons d’abord bâti dans du sable, le vent a emporté le sable. Puis nous avons bâti dans du roc, La foudre a brisé le roc. Il faut qu’on pense sérieusement à bâtir Dans l’homme ».3

Références :

1- Souffles, n°15, « Prologue », Souffles

2- Souffles, n°12, « Programme de recherche et d’action de l’ARC », Association de recherche culturelle

3- « Mon pays », La Poésie marocaine de l’Indépendance à nos jours, Abdellatif Laâbi, Paris, La Différence, 2005, pp. 98-99

- كنزة الصفريوي

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