Dans cette étude, il s’agit d’analyser le travail en tant que facteur de changement au niveau des rôles sociaux du genre. Nous partons du postulat selon lequel l’articulation entre les deux sphères professionnelle et familiale obéit amplement à la nature des contraintes propres à chaque métier. Il en découle l’hypothèse (qui d’ailleurs justifie notre choix d’un seul métier qui est celui de l’ouvrière) qui postule que le travail de l’ouvrière de nature précaire et instable et prenant en matières d’horaires incite à une recomposition de rôles spécifique.
Cependant, même si l’étude s’inscrit dans une rupture par rapport à l’idée de famille comme élément isolé, l’articulation avec la sphère du travail n’est apparente qu’à travers l’évocation des dimensions financières et temporelles liées à l’exercice d’un emploi. Nous centrons donc l’analyse sur les rôles conjugaux tout en les rattachant à quelques éléments du travail ouvrier qui participent à leur redéfinition.
La première partie de ce travail consiste en une revue des différents modes de gestion adoptés par le couple des ouvrières. Les trois typologies du couple notamment le couple à double salaire, le couple de l’ouvrière principale pourvoyeuse de revenus et celui de la caisse commune sont réparties sur les trois premiers chapitres de cette partie. L’adhésion à ces différentes modalités financières induit et reflète à la fois tout un rapport symbolique qu’on essaie d’éclairer à travers des exemples. En l’occurrence, il s’agit de montrer comment le rapport différencié aux ressources fait ressortir une multitude d’enjeux et met ainsi en relief le processus de négociation en place.
La deuxième partie traite des modalités de répartition des tâches dans le couple. Dans le cadre de cette partie, nous nous appuyons essentiellement sur les résultats de notre analyse qualitative afin de mettre en relief le sens subjectif qu’arborent les justifications données par les ouvrières pour expliquer cette répartition. Nous tenons, dans la même perspective, à focaliser, en même temps, sur les justifications qui rendent compte du partage inégal et celles qui renvoient à une indifférenciation en termes de répartition de tâches. A la fin de cette partie, nous abordons les différentes stratégies individuelles et collectives (recours à l’aide d’un tiers ou de la parentèle) auxquelles les ouvrières ont recours pour concilier entre les deux sphères reproductives et professionnelles. Ces stratégies sont un aspect important de la dynamique de la négociation des rôles.
Enfin, dans la troisième partie nous essayons d’opérer une déconstruction d’une analyse de pouvoir au prisme d’une vision dichotomique ou en tant que variable qui dépend de facteurs spécifiques ou reste attaché à la composante décisionnelle. Ainsi, à travers l’analyse du cheminement accompli dans la construction du champ de pouvoir dans les études sociologiques, nous essayons de comprendre comment il serait possible de rendre compte des dynamiques du pouvoir quand les décisions restent attachées à des rôles négociés et lorsque, d’autre part, les niveaux de spécialisation dans l’accomplissement des rôles se réduisent et s’accompagnent, de surcroît, d’une diversification de modèles familiaux. Au bout du compte, les dimensions du pouvoir nous mènent vers une analyse sous l’angle du conflit. Le dernier chapitre consiste en une analyse des sources de friction rapportées à travers les propos des ouvrières dont les sorties/circulation dans l’espace public ; les conflits liés à l’argent et les tensions avec la belle mère. Nous essayons à travers l’analyse du discours des ouvrières de traverser les différences au niveau des perceptions et attentes de genre de chacun qui se cristallisent dans des confrontations qui engendrent des sources de conflits.